lundi, février 24, 2025

L’après printemps arabe en Egypte

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Entre conflits d’appartenances et une géopolitique de première ligne, l’Egypte d’hier à celui d’après printemps arabe, d’exigence persistante d’un sursaut ou d’une élite hors classe-sans classification

           Il y’a huit ans, le printemps arabe fut un basculement, un virage, un coup d’arrêt contagieux au nord maghrébin de l’Afrique. De la Tunisie à la Lybie en passant par l’Egypte…..les peuples arabes ont exprimé un râle baule quant à la conduite des affaires de leurs nations. Dans ces Etats sévissaient alors des dictatures déguisées ou déclarées, avec des parodies ou leurres d’institutions à la solde de dynasties ethniques ou de corporations comme l’armée. Ainsi, ces pays écartelés, difficiles à cerner pour être gouvernés tant d’aucuns avancent que le régime militaire y est la seule viable se sont successivement soulevés. Le cas égyptien qui nous intéresse présentement montre des signaux d’un relèvement timide, où les belligérants n’ont pas fini de faire la paix pour se propulser. Après Moubarak, de Morsi, des frères musulmans à Sissi, le Maréchal d’armée, les belligérants, civils ou militaires sont à l’entente impossible.

      L’Egypte revêt un intérêt historique, mondial, toujours en vigueur sur l’échiquier international. En effet, tel un cocktail dont on ne saurait se passer, l’Egypte est logé au cerveau du continent africain, dont sa civilisation ancienne est encore revendiquée par des historiens noirs comme étant entre autres un contre argument aux motivations civilisatrices des colons. Cette science et ou civilisation ancienne s’est capitalisée aux indépendances par un entregent notable, notamment sous Moubarak, et cela que ce soit dans le monde arabe qu’il servait quasiment de capitale sur le continent africain avec notamment, l’université ’’Al hazar’’. L’Egypte fait aussi parti selon les enjeux  dans l’axe des Etats unis d’Amérique avec une université américaine. Séparé de l’Europe par la méditerranée, l’Egypte est courtisé par celle-ci quand l’Afrique compte sur son potentiel pour se propulser par une union que l’UA tarde à définir.

     En son sein, l’Egypte fait avec des belligérants le plus souvent à couteaux tirés : que ce soit la congrégation de l’islam politique, les frères musulmans ; l’Eglise copte ; les groupes tribales traditionnelles ou dynastiques ; la société civile émancipatrice ; les partis politiques ; les forces de sécurité notamment l’armée, une des plus outillées d’Afrique…semblent tous vouloir tirer la couverture sur eux-mêmes, sur leurs optiques ou logiques, d’où un conflit latent dans la gouvernance. Cette confrontation dans la gouvernance a débouché sur un conflit de la gouvernance, ceci par un système politique et ou un régime d’Etat d’urgence permanent tant les juristes divergent sur sa qualification. L’ex président américain Obama avançait en visite sur le continent que : l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes, stables, autonomes. Le cas égyptien semble contredire une telle assertion, avec des institutions solides mais ‘’indéterminables, non situées’’. En effet, les hommes en désaccord semblent ne pas trouver arbitre à leur mésentente, et les hommes et leurs institutions semblent ainsi incompétents ou incapables,  non encrés dans les valeurs de droits républicains pour tendre vers un droit supra-corporation. Cet état de fait suppose que l’Egypte a aujourd’hui besoin d’une synthèse ou combinaison faite de l’homme et de sa sécrétion institutionnelle, cela dans la forme ou l’homme n’est plus un déterminé par son appartenance encore moins par une institution quelle qu’elle soit, mais au carrefour des corporations. Ainsi, l’Egypte est aujourd’hui encore plus que jamais dans le besoin d’une élite hors classe sans classification, préalable à une cessation des conflits partisans, d’appartenances, pour pouvoir se propulser en tirant son peuple, ses idéaux de civilisation, ses voisins ou alliés.

        Notre présent constat motivant une telle proposition est qu’en Egypte comme presque partout ailleurs en Afrique, la diversité des régimes ou de leurs nominations aboutissent presque toujours à la similitude des pratiques. Le plus souvent héritages ou copies des régimes politiques des anciens Etats coloniaux, les régimes politiques africains reflètent aussi, à quelques égards, les réalités et aspirations des peuples et des pouvoirs en place. Quoique salutaire car codification du jeu politique, dans leurs principes tout comme lors de leur application, les régimes politiques et nos institutions charrient des imperfections et conflits de pouvoirs. En effet la loi n’est pas toujours la réalité, aussi «le droit n’est pas l’éthique» (Kéba Mbaye) sont malheureusement des assertions souvent vérifiées par la marche des régimes politiques africains. Cela parce que le plus fréquemment, la formulation d’un régime n’est qu’une stratégie de marketing démocratique, une déclaration de bonne volonté ; mais dans les faits l’exécutif est presque partout le ‘’manitou’’.

         En Egypte particulièrement, l’hyper présidentialisation du régime égyptien avec soupçon d’intention de dévolution monarchique du pouvoir de la part de l’ancien pouvoir sous Moubarak fut longtemps dénoncé avant de déboucher sur la révolution du printemps arabe. Le Dr Saad Ketatni, leader des frères musulmans déclare, pour sa part, que le régime semi présidentiel était le plus adapté pour l’Egypte de cette époque, en attendant de progresser vers un régime parlementaire. Le régime politique en Afrique, est ce un débat inopportun de par sa finalité ou réalité? Le contenu (les règles) les contenants (les différents systèmes, régimes…) sont tous les deux continuellement en débat voire en dérision.

       En ce qui concerne le régime politique égyptien, un des pays africains  qui connait le plus d’influences culturelles et géographiques ; cette diversité d’acteurs et de propositions se répercute aussi sur le jeu politique. En effet, les religieux, les ethnies, les forces de sécurité tout comme les progressistes souhaitent un régime favorable à leurs logiques. Cependant, dans les faits, le régime politique égyptien traduit l’évolution et la matérialisation de la volonté de conduite et de conservation du pouvoir des régimes successifs. D’où dans une perspective, de genèse d’un système ou régime politique en Egypte et pour actualiser et adapter le propos d’Obama, il faudrait tendre vers l’érection d’hommes-institutions, où l’institution n’est plus caractérisée par sa suffisance ou distance d’avec la réalité mais ses hommes non prisonniers d’une appartenance ou d’une corporation : «une élite hors classe-sans classification». 

       Si on faisait une brève rétrospective, la première constitution égyptienne de 1956 adoptée après le coup d’Etat des officiers libres en 1952, prévoyait déjà un régime présidentiel. A partir de 1971, avec l’accession d’Anouar Al-Sadate au pouvoir, à la suite d’un référendum, une nouvelle Constitution a vu le jour, instituant un régime devenu théoriquement semi-présidentiel. C’est celle qui est toujours en vigueur en Egypte, quoiqu’elle ait connu plusieurs amendements. « C’est un régime français à deux têtes mais déformé », juge Ibrahim Awad, professeur de politique publique à l’université américaine du Caire. La reconduction systématique, depuis l’assassinat d’Anouar Al-Sadate en 1981, d’un régime d’état d’urgence en Egypte a constitué un autre instrument puissant aux mains du pouvoir, légitimant les arrestations et les jugements les plus arbitraires. Il a été levé après la révolution du 13 février 2011, alors, la Constitution est provisoirement suspendue []. Une révision de la constitution a été soumise à référendum le 15 décembre 2012[].

La prescription de la constitution en faveur d’un régime semi présidentiel n’empêche que l’avis des observateurs indépendants, est quasi unanime quant à la main mise toute puissante de l’exécutif sur le pays : « Cela a toujours été un régime très centralisé aux mains du président même si la Constitution prévoyait un système comprenant des éléments de régime parlementaire. Des pouvoirs étaient dévolus au Parlement comme l’adoption de motions de censure contre le gouvernement, de questions, d’interpellations, de mises en question du président. Mais en vérité, cela n’a jamais fonctionné et le régime a dérivé vers un régime présidentialiste voire même autoritaire« , commente Nathalie Bernard-Maugiron, juriste et co-directrice de l’institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman. 

         Toutefois, force est de noter que l’Égypte d’avant printemps arabe, quoique abritant une confrontation interne ou des contradictions exacerbées n’en détenait pas moins une grandeur internationale sous Moubarak. En effet, logée au cerveau de l’Afrique, l’Egypte par sa civilisation historique avec une ouverture aux progrès et possibilités extérieures avait su détenir un leadership international, exemple du dossier palestinien mais des rencontres des organismes régionaux arabes où elle prêchait et faisait prévaloir ses positions propres.

      8 ans après le printemps arabe, on pourrait se poser la question à savoir : le printemps arabe, renouveau réel ou poudre à l’œil? Si on fait un tour d’horizons des révolutions maghrébines : exemple de l’Egypte, de la Tunisie et de la Lybie…Il est notable que le niveau d’alors en termes de mépris et d’irréversibilité atteint par les dictatures s’est rétréci. Cependant, les rapports de force et conjonctures à l’origine des révolutions en Egypte, en Tunisie, en Lybie….demeurent.

       Le Maghreb, «un nid d’abeilles» gouvernable que par dictature? En Egypte, les ONG dénoncent fréquemment des entorses aux droits de l’homme, le président Macron s’en est d’ailleurs entretenu avec son homologue égyptien récemment. Coté religion, les frères musulmans déchus du pouvoir semblent en retrait après un conflit d’influence armé avec le pouvoir de Sissi, l’Eglise copte dialogue avec le pouvoir, l’espace public malgré des attentats sporadiques semble plus serein, quand à la présence internationale d’alors, elle reste encore à désirer. Reconduite ou reconfiguration dans la diplomatie égyptienne? Après un moment de ‘’flottement du pouvoir’’ et diverses positions intérieures et de l’étranger partisanes : « La transition qui s’est ouverte après la révolution du 25 janvier s’est en effet rapidement muée en lutte de pouvoir entre différents acteurs : révolutionnaires, militaires, Frères musulmans, libéraux, salafistes, juges, policiers, coptes…» (Baudouin Long, 2018). Cependant, l’Egypte chercherait à conserver ses partenaires traditionnels occidentaux, notamment ; et cela même si La journaliste Julia DUMONT relève un certain recadrage diplomatique motivé : les Etats unis ont annoncé un recul à la suite du coup d’Etat du général Sissi, la France reste présente, le contact d’affaires et diplomatique est maintenu avec Israël, la Russie fait des entrées remarquées notamment par la coopération militaire, les pays pétrodollars du golfe sont restés des interlocuteurs de choix surtout l’Arabie saoudite malgré une neutralité de Sissi, rappelant Moubarak, quand à leur conflit avec le Liban et une implication intéressée face au cas de la Lybie et de l’Ethiopie, l’Egypte renoue avec le continent africain à travers l’UA en 2014 et le prochain CAN(coupe d’Afrique des nations) sur son sol. 

       Hormis, le contexte local d’après printemps arabe, l’Egypte connait une situation maghrébine et mondiale de lutte contre ‘’un soi disant terrorisme islamique’’ à visage et géographie changeants, aujourd’hui désigné par l’appellation EI (Etat islamique) ou DAESH. Cet état de fait, fait se livrer un bras de fer frontal ou distant de nombreuses puissances occidentales, du golfe, du Maghreb disons de partout. Ainsi, une des religions révélées, l’Islam est au centre de moult machinations, récupérations de la part des chancelleries cherchant ‘’à guider la guidance’’ d’où un conflit, une conquête qui n’est plus seulement celui des convictions. Que ce soit par un extrémisme, ou une conciliation : « la conversion à la diplomatie islamique des chancelleries occidentales» (Dr Sambe), et cela par des actes de solidarité et d’apaisement; les chancelleries s’appliquent un bras de fer légitimant tous les coups, et se voyant certainement des similitudes avec Bachar Assad, Sissi soutient moralement sa répression. Aussi, de nombreuses capitales font une promotion de leur version ou vision contextuelle de l’islam, promotion pas toujours saine ni sainte par la prédication mais par le soutien à des groupuscules obscurantistes : « Cinq ans plus tard, les mobilisations ont été confisquées. La lutte contre le djihadisme a enterré les projets de réformes démocratiques et sociales». Face à tout ceci, l’Egypte par sa taille et son signifié cherche comme tous sa voie, à parer et positionner. Dans ce registre, la découverte du gisement de gaz de Zohr important et bénéfique entre 5 et 6 ans est une aubaine ; de même Sissi travaille avec l’Arabie Saoudite, à l’érection d’une nouvelle capitale dans le désert. Sur le plan diplomatique est notable un relèvement timide avec des alliances conjoncturelles d’intérêts économiques, géopolitiques, sécuritaires; ainsi, les logiques économiques, sécuritaires et un certain  brouillage prévalent.  

       En somme, l’Egypte par son potentiel, à l’image du continent africain, plus soudé sur l’essentiel fera moins de soucis internes et sera une solution à d’importants carences et conflits contemporains mondiaux.

Diourbel, 11 03 2019

P B MOUSSA KANE,

DOCTORANT AMENAGEMENT

DEA SCIENCE PO-UGB

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