dimanche, septembre 8, 2024

Ousmane Sonko, leader de PASTEF : « la corruption a atteint des sommets dans ce pays »

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L’homme fait partie de la jeune génération de la classe politique, qui a choisi de placer l’éthique au cœur de sa démarche. Pour le respect des principes de bonne gouvernance, Ousmane Sonko ne fait aucune concession.

Dans cette interview accordée à Actusen.com, le leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), grand pourfendeur de la CREI, commente l’actualité nationale.

Du référendum aux menaces terroristes, en passant par la corruption et le procès de Karim Wade et celui de Tahibou Ndiaye, dont il est proche, cet inspecteur des Impôts fait une analyse froide de la marche du pays.

Sur le dernier sujet, Ousmane Sonko pense que la corruption, contrairement à ce qu’avance Transparency international, est plus que jamais présente dans ce pays.

Pour preuve, dit-il : ‘’l’Etat a commandé des bâches de 300 millions F Cfa à des Français, par gré-à-gré lors du sommet de la Francophonie » à Dakar. Interview.

Actusen.com : La sortie du ministre de l’Intérieur sur le référendum a suscité une polémique. Comment expliquez-vous le fait que la date de celui-ci ne soit pas inscrite dans le calendrier républicain ?

Vous me permettrez, avant de répondre à cette question, de faire une observation de forme par rapport à l’équipe qui gouverne aujourd’hui le Sénégal. Tous les Sénégalais ont, aujourd’hui, un problème de visibilité, de traçabilité. A chaque question, nous avons une cacophonie générale avec des positions totalement contradictoires des mêmes autorités appartenant au même Gouvernement.

Ça commence à devenir lassant. C’est ce qui se reproduit entre les déclarations du Président de la République, tendant à réitérer à réduire son mandat, les sorties extrêmement maladroites de certains de ses collaborateurs, comme Moustapha Cissé Lo qui semble être étendard du mandat de 7 ans, et les déclarations du ministre de l’Intérieur. On n’y comprend absolument rien. Et ce n’est pas respecter les Sénégalais.

Pourquoi vous le dites ?

Le référendum pose problème. Jusqu’au moment où l’on parle, aucun Sénégalais ne peut vous dire quel est le contenu de ce référendum. Ce serait extrêmement dangereux qu’on se retrouve avec un référendum fourre-tout. Celui-ci doit porter sur une question précise. Parce qu’on répond par Oui ou par Non. Je donne un exemple concret : vous mettez dans le référendum la question du mandat, la question de la réforme des institutions.

Le citoyen peut vouloir répondre Non par rapport au mandat et Oui par rapport aux réformes des institutions. Mais il n’a pas la possibilité, parce que c’est un référendum fourre-tout. C’est ça la première problématique que l’opposition doit rapidement abordée.

Qu’est-ce que vous proposez, concrètement?

Il faut que l’on sache sur quoi va porter le référendum ? Quand on constate que c’est relativement incompatible parce que l’opinion peut être divergente, il faut qu’on y revienne. Que le référendum porte sur le mandat, si c’est nécessaire, d’ailleurs, ou s’il faut en organiser un autre pour la réforme des institutions.

Vous pensez qu’on peut faire l’économie du référendum et passer par la voie parlementaire?

Oui, si c’est une voie possible, constitutionnellement, qui nous coûte moins cher. Mais la seule difficulté avec la voie parlementaire, c’est la majorité automatique. Sur la question du mandat dans le fond, notre Parti a une position très claire. Le débat sur le mandat soulève deux problématiques juridiques et éthiques.

Quelle est la problématique juridique ?

Si Macky Sall faisait un mandat de 7 ans, est-ce qu’il a violé la Constitution de ce pays ? La réponse est non. Car tout le monde s’accorde à dire qu’il a été élu pour un mandat de 7 ans. Il ne faut pas que le débat soit biaisé. Quand j’entends des gens dire que s’il se dédit, il y aura pire que le 23 juin, je dis non. On n’est pas là, en face d’un problème de Droit.

Et la question éthique ?

En Afrique, un chef n’a pas le droit de se dédire. Sans avoir subi aucune contrainte, Macy Sall dit : ‘’si je suis élu, je m’engage à ramener mon mandat à 5 ans ». Dans ce cas, s’il se dédit, il aura porté atteinte à sa parole. C’est à partir de ce moment que ça devient une affaire entre lui et le peuple, qu’il dirige et qui ne peut pas se reconnaître dans un leader, qui raconte des histoires, qui se dédit au gré de ses intérêts.

Et l’opposition doit le présenter comme un leader, qui n’a pas de parole et travailler à en tirer les premiers gains, lors des prochaines élections législatives ; être majoritaire à l’Assemblée nationale et l’obliger à la cohabitation. Ce qui fait qu’il ne gouvernera pas le reste de son mandat et tout le monde saura qu’il devra quitter en 2019.

Le ministre de l’Intérieur a annoncé des concertations pour la rationalisation des Partis politiques au Sénégal. Une bonne idée, selon vous ?

C’est un débat à mon avis-excusez moi du terme-hypocrite. Le ministre de l’Intérieur doit, d’abord, à faire son travail. S’il faisait, correctement, son travail, il y a beaucoup de Partis, y compris ceux qu’on appelle des grands Partis, qui auraient disparu, depuis longtemps. Quels sont les Partis politiques, qui déposent un bilan au niveau du Ministère de l’Intérieur ?

Quels sont les Partis politiques qui, après des élections, viennent justifier le financement de leur campagne ? Il n’y en a pas. La loi est là. On peut l’améliorer. Nous avions fait une proposition, dans ce sens. La vocation d’un Parti, c’est d’aller aux élections et de se présenter devant les électeurs.

Un Parti politique, qui reste deux élections de suite sans se présenter, n’a plus d’objet. Il faut le dissoudre. Or, c’est eux-mêmes, dans leur pratique d’alliance, qui encouragent ce phénomène, ou pour briser une formation politique.(…)

Dans son dernier rapport, l’ARMP a épinglé plusieurs Sociétés publiques et Ministères. Etes-vous surpris ?

Absolument pas. Ça c’est la responsabilité, d’abord, du Président Macky Sall. C’est lui qui est, aujourd’hui, responsable de cette bamboula sur ces marchés publics.

Comment ?

C’est lui qui a trouvé, déjà, un Code des marchés publics 2011 plus où moins accepté et acceptable, qu’il a transformé sous prétexte d’urgence-ce qui est un faux prétexte- et qui a créé des boulevards extraordinaires, pour que ça parte dans tous les sens.

Moi, j’ai un problème avec ce régime, qui nous bombarde, à longueur de journée, des slogans qui ne répondent absolument à rien. On nous parle de gouvernance sobre et vertueuse, alors que la corruption a atteint des sommets, dans ce pays.

Et pourtant, le dernier rapport de Transparency international reconnait que le Sénégal a fait un bon en avant, par rapport à la lutte contre la corruption…

Je dis deux choses : premièrement, j’ai vu les acteurs démentir l’information. Le Forum civil dit que le rapport n’existe pas. Celui de 2015 n’est pas encore publié. Deuxièmement, ce que les Organisations internationales disent ne m’intéressent pas. Nous sommes un pays complexé, extraverti vers l’extérieur. Il peut y avoir des acteurs nationaux, qui dénoncent, chaque jour, des pratiques, on ne les écoute pas. Mais il suffit qu’on dise telle organisation a dit…

Mais Transparency international a son démembrement au Sénégal qui est le Forum civil.

(Il coupe). Mais on dit indice de perception. Vous prenez 50 personnes dans le rue, vous leur demandez : ‘’comment vous percevez la corruption ? » L’un va vous dire : ‘’c’est les policiers », l’autre va vous dire : »c’est les Impôts et Domaines ».

Je ne parle pas de ça. Je parle de la grosse corruption, qui se trouve dans les marchés publics, dans la gestion des dossiers fiscaux. Je n’ai pas besoin du rapport de Transparency, qui ne peut pas me dire mieux que ce que je vis.

Je ne peux la quantifier, mais il y a une corruption extraordinaire dans ce pays. (…) J’avais publié un article, lors du Sommet de la Francophonie, et particulièrement sur les marchés de restauration, d’hébergement, d’hôtellerie. Il y a, tellement, de choses qui ont été faites, sous prétexte d’urgence de la Francophonie.

L’Etat a commandé des bâches de 300 millions de francs à des Français, par gré-à-gré. Vous vous rendez compte ? Aujourd’hui, tout se tient. On est dans un système, complètement, obnubilé, qui crée les conditions de la malgouvernance, de la corruption et de détournement de deniers publics.

Vous avez été un farouche pourfendeur de la CREI. Aujourd’hui, on parle, de plus en plus, de la nécessité de réformer cette juridiction.

Tous les Sénégalais, qui ont suivi mes activités, savent que j’ai pris des positions très fermes à l’encontre de la CREI, dans le dossier de Tahibou Ndiaye, que je connais assez bien. Je ne suis pas surpris, aujourd’hui, quand on parle de réformes. Mais je m’oppose à toute forme de réforme de la CREI.

Pourquoi ?

Le Président Macky Sall, au lendemain de son élection, avait deux préoccupations judiciaires : réactiver la CREI et libérer Barthélémy Dias. Des juristes lui ont donné des artifices, et Barthélémy a été libéré. Sur quelle base ? Il se trimbale, en menaçant les gens, du matin au soir. La réactivation de la CREI répondait à des préoccupations, strictement, politiciennes et non un impératif de reddition des comptes.

Macky Sall avait compris que le Président Abdoulaye Wade avait, complètement, déstructuré le PDS, pour le reconstruire autour de Karim Wade. Le Président Macky Sall savait que la défaite du PDS n’en faisait pas, pour autant, un Parti fini. Pour en finir, il fallait frapper là où ça faisait mal. Et c’est ce qui a nécessité toute cette cabale contre Karim Wade.

Mais pour Macky Sall, le procès de Karim Wade était une demande sociale….

La demande sociale, c’était de faire la lumière sur la manière, dont le pays a été géré. Les Sénégalais ne savaient même plus s’il existait dans notre arsenal juridique une institution comme la CREI. Dans la reddition des comptes, il y avait l’IGE, la Cour de comptes, l’ARMP ; etc qui font un excellent travail et dont le travail est géré, de manière politicienne. C’est le Président de la République qui dit : tel a transhumé, ne le touchez pas, tel n’a pas transhumé, je l’ai transmis au Procureur. »

Une fois de plus, je ne suis pas en train de défendre l’impunité. Je suis dans un secteur très sensible ; j’y suis depuis des ans. Je me suis refusé à certaines pratiques. Mais la soif de justice ne doit pas conduire à instrumentaliser la justice, en créant une juridiction inquisitoire aussi dangereuse que la CREI. On ne peut pas venir vous dire que vous portez une belle chemise, on vous met, d’abord, à Reubeuss et allez vous justifier. Ensuite, on vous condamne, mais vous ne pouvez pas faire appel. C’est quel droit ? (…)

Tahibou Ndiaye a été condamné à 3 ans de prison ferme assortie d’une amende de 2 milliards F Cfa. Comment avez-vous accueilli le verdict ?

Le procès de Tahibou Ndiaye est un procès cousu de fil blanc. Je vais donner quelques exemples, parce que ce serait long de développer. D’abord, Tahibou Ndiaye était un directeur dans l’Administration, qui a un Directeur général, un ministre-délégué au Budget au-dessus de lui, un ministre de l’Economie et des Finances au-dessus de lui, un Premier ministre au-dessus de lui, un Président de la République au-dessus de lui.

Tahibou Ndiaye n’a pas de budget. Comment on peut me faire croire, moi, qu’on peut soustraire ce Directeur technique dans ce procès. On ne convoque pas ses supérieurs, ne serait-ce qu’à titre de témoin. Pourquoi l’actuel ministre des Finances, Amadou Ba, n’a pas été convoqué à titre de témoin ? Pourquoi l’ancien ministre, Abdoulaye Diop qui, pourtant, était convoqué par la Commission d’inscription de la CREI, a été enlevé, sous prétexte qu’il serait malade ou en voyage ?

Dans le fond, il y a le principe du renversement de la charge de la preuve, qui pose problème. Par exemple : moi, je veux justifier cette maison, qui fait office de Siège. C’est une vieille bâtisse. Si on devait la vendre, on l’aurait vendue entre 80 et 100 millions F Cfa, compte tenu du positionnement. Alors que son propriétaire ne l’avait même pas achetée à 10 millions en 1985.

Vous venez, vous dites : ‘’je veux savoir où est-ce que vous avez pris cette maison ? » Vous prenez un expert, qui vous évalue cette maison à 90 millions francs. Je vous demande où est-ce que vous avez pris 90 millions. Or, vous n’avez pas investi 90 millions dans cette maison. C’est des méthodes, complètement, contradictoires de la CREI. Il y a un arrêté, qui a été rendu par la Cour suprême en 1983, qui dit qu’on ne peut pas évaluer sur la base de la valeur marchande, mais plutôt sur la base du coût d’acquisition.

Ensuite, on a fait croire aux Sénégalais que ce Monsieur (Tahibou Ndiaye) a 8 milliards F Cfa. Vous allez à la Cité Keur Gorgui, le titre foncier de la Cité a été hypothéqué par la Sicap auprès des Banques, pour lever des fonds. Ce qui veut dire que si vous allez au niveau des livres fonciers, vous avez une hypothèque 3 milliards F Cfa. Si vous avez une maison de 200 m2, vous ne pouvez pas avoir un titre foncier, parce que l’hypothèque n’est pas encore levée.

Comment Tahibou Ndiaye, qui a une maison de 500 m2 à la Cité Keur Gougui, on peut évaluer une maison à 3 milliards parce qu’il y’aurait une hypothèque à 3 milliards ? Voilà ce que s’est passé dans ce procès-là pour aboutir à ce simulacre. On a vendu au peuple quelque chose de trop gros et il fallait lui donner des assurances. Nous ne sommes pas d’accord pour cette justice là.(…)

L’actualité, aussi, c’est les attentats terroristes dans le monde. Qu’est-ce que vous pensez des mesures préventives prises par l’Etat du Sénégal?

Il y a plusieurs choses, dans cette affaire-là. La seule sur laquelle je peux être d’accord avec le Président Macky Sall, c’est qu’il n’y a pas de débat politicien sur la sécurité nationale. La Constitution dit qu’il est le garant de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire. Mais le Président ne peut aborder cette question que sous l’angle sécuritaire. Or, dans ce cas d’espèce, le président Macky Sall est sorti du débat sécuritaire? pour entrer dans un débat idéologique.

Comment ?

La France et les autres pays occidentaux ont un problème avec l’Islam politique qu’ils instrumentalisent, d’ailleurs, au gré de leurs intérêts. Le débat que le Président Macky Sall a transposé, c’est quand il dit qu’on ne va pas nous imposer des idéologies différentes de nos croyances. Ce n’est pas au Président de la République de nous imposer nos croyances. Chacun est libre d’être boudiste, taoiste, chrétien, musulman. A l’intérieur de l’Islam, il y a l’Islam soufi, salafiste, etc. Un Sénégalais est libre de croire à ce qu’il veut. Tout ce qu’on lui impose, c’est de respecter la Charte fondamentale de ce pays.

Propos recueillis par Daouda Gbaya (Actusen.com)

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