. Balla Danfakha âgé de trente neuf ans, jeune adulte de la localité pratique le métier d’orpailleur depuis sept années.
Tôt le matin il est sur pieds et dès huit heures il démarre la journée qui finit à seize heures soit huit heures de travail. Depuis plus de deux décennies la population de Khara Khéna se livre à la recherche de l’or. Khara Khéna est à quatre vingt kilomètres de Kédougou la capitale régionale et à une vingtaine de kilomètres de Saraya le chef lieu de département. Une activité qui a finit depuis fort longtemps de supplanter l’agriculture et l’élevage activités séculaires. Cette activité est exercée de manière traditionnelle d’où son appellation d’orpaillage. On y retrouve la quasi-totalité des couches sociales même les plus insoupçonnées Balla n’a pas de périmètre d’exploitation propre à lui encore moins un puits ; il est employé par un propriétaire qui le paye, ils sont nombreux d’ailleurs à être dans la même situation que balla bien que tous natifs de khara Khéna. A chaque jour suffit sa peine serait – on tenté de dire. L’orpaillage est un travail à la chaîne : il y a ceux qui creusent, ceux qui tirent du puits les seaux remplis de gravats, d’autres qui s’occupent du pavage du puits pour éviter les éboulements et le spécialiste en la matière qui vient régulièrement détecter la trace du filon à suivre à l’intérieur du puits. Tous ceux là ne sont pas payés au comptant mais plutôt à partir des quantités de sable extraits de ce puits ou trou comme l’appellent certains. Sur cette chaîne de travail le métier de creuser est sans doute le plus difficile et qui expose l’individu à une mort certaine due aux éboulements très fréquents dans la zone. La moyenne des décès liés à ce type d’accident tourne autour de deux à trois par jour dans les périmètres d’orpaillage surtout dans le département de Saraya. A cela. S’ajoute le risque de perdre la vie par manque d’oxygénation suffisante à l’intérieur du puits. Balla Danfakha a démarré par là. Il faut piocher, marteler, taper avec un burin sur une couche dure qui atteint parfois deux mètres d’épaisseur avant d’arriver à la couche friable, moins dure. Ce travail demande une force physique, beaucoup d’endurance et prend trop de temps (des heures voire même des jours). Tous les soirs Balla rentrait chez lui avec des courbatures, tenaillé par la faim le corps meurtri à force de courber l’échine pendant des heures. Une fois à la maison, il ressentait encore au moins pendant deux à trois heures le goût de la poussière et l’odeur du sol mouillé. Il s’endormait aussitôt après le diner las de fatigue en pensant au même scénario qui l’attend le lendemain, le surlendemain et des jours encore. Balla est de taille moyenne, une silhouette assez frêle ce qui le désavantage face aux costauds qui eux, ont le physique de l’emploi .Il finit par accepter cette situation et se reconverti en tireur de seaux, une position qui ne l’expose plus aux éboulements certes mais qui diminue son gain et qui exige aussi un effort physique. A propos du gain, il arrive qu’il n’en tire rien du sable ou des gravats qu’il reçoit de son employeur et qu’il ramène à la maison pour le lavage et cela pendant des mois. Le prix du gramme d’or est tributaire du marché mondial, de vingt cinq mille Francs il y a trois années, il a chuté pour se stabiliser entre quinze et dix sept mille cinq cent francs en cette période. Cette situation le plonge dans un endettement permanent et l’expose à des conflits réguliers avec ses préteurs. Africa Gold la société minière détentrice des droits d’exploitation industrielle du site de Khara Khéna a finit de délimiter ses périmètres confinant la population dans des couloirs où le métal précieux est pratiquement épuisé. Balla Danfakha n’a pas fait des études assez poussées, il a le niveau CM2 de l’élémentaire et aimerait bien changer de métier mais pour faire quoi ? De là à dire que Balla est un des condamnés du système il n’y a qu’un pas. Son sort semble lié à jamais à l’orpaillage dans sa région Kédougou.