Il n’a pas cependant consacré à notre continent une attention excessive comme l’auraient souhaité beaucoup de personnes peu au fait des subtilités du jeu diplomatique mondial et du rôle pivot qu’y jouent les Etats-Unis d’Amérique, unique hyperpuissance planétaire. En effet, par-delà les considérations éthiques et l’élan de solidarité qui animent l’Amérique éternelle, l’élément déterminant de la politique étrangère du pays de l’oncle Sam est la défense de ses intérêts nationaux majeurs. En Afrique peu d’intérêt national américain vital n’est en jeu.
C’est un constat. Même si les échanges commerciaux progressent avec notamment les achats d’hydrocarbures, l’implantation de compagnies américaines de plus en plus nombreuses, la création de l’AFRICOM et l’établissement de multiples ambassades et représentations diplomatiques et consulaires; l’Afrique ne représente pas, à l’heure actuelle, un marché important pour les USA.
Toutefois les choses bougent très vite du fait du développement accéléré du continent et du rush des concurrents chinois et, dans une moindre mesure indiens, entre autres, sur ce continent qui se révèle comme celui de tous les possibles dans un futur proche grâce à sa démographie unique, à ses matières premières très convoitées, à ses terres arables, ses cours d’eau et ses pays de plus en plus qui se démocratisent et s’émancipent économiquement. Il ne s’agit pas de parier sur l’avenir tout simplement; mais de procéder à une analyse prospective basée sur des faits réels dans les domaines de la croissance (l’Afrique compte 6 pays parmi les 10 qui ont la plus forte croissance au monde) économique et démographique. L’Afrique est le continent du futur proche et personne ne peut empêcher ce rendez-vous avec l’Histoire.
Mieux vaut donc prendre date et s’engouffrer dans le train de la coopération avec le continent. L’Amérique que l’histoire et la géographie lient à l’Afrique, des liens de sang et de larmes coagulés, a des raisons objectives de s’engager dans cette voie pour défendre ses intérêts bien compris à long terme. Comme la Chine, l’Inde, l’Europe ou encore le Japon, l’Amérique ne fait pas à l’Afrique l’aumône d’une invitation. Elle tend la main à un partenaire économique prometteur qui a un potentiel énorme. Toutefois à ce rendez-vous historique, tous les pays du continent ne sont pas logés à la même enseigne. Et le seul critère économique ne sera pas pris en considération ; autrement le président Obama n’aurait pas choisi le Sénégal lors de son deuxième voyage en Afrique, en faisant l’impasse sur le géant nigérian. Sur les bords du Potomac, le président Macky Sall aura encore droit à un traitement de faveur. Il sera reçu en tête à tête par le chef de l’exécutif américain. C’est un honneur exceptionnel qui est fait au Sénégal comme l’a été le choix de Dakar rappelé plus haut. La vérité est que notre pays a une relation particulière avec les Etats-Unis et notre diplomatie a, depuis plus d’un demi-siècle, agi pour la consolider et la renforcer.
Les Etats-Unis qui ont suivi, avec beaucoup d’attention l’évolution politique du Sénégal, la remarquable réussite de son expérience démocratique, ont fait le choix d’encourager notre pays et de favoriser l’action de ses dirigeants sanctionnée positivement par le suffrage universel. La démocratie sénégalaise est un atout majeur diplomatique et économique qui est perçu comme tel par les Etats-Unis d’Amerique et c’est ce qui justifie le choix librement assumé du président Obama de faire du président Macky Sall un interlocuteur privilègié. il y a aussi une sorte de prime accordée à la jeunesse car Obama a décidé de miser sur la jeunesse africaine qui est la relève et qui a l’ambition de répondre présent au rendez-vous du donner et du recevoir du monde globalisé.
Ces jeunes là, comme ceux reçus la semaine dernière par Obama à la Maison Blanche, ont à cœur de redresser l’Afrique et de l’arracher des griffes de la misère, de l’analphabétisme et de la corruption. Ce défi peut et doit être relevé. Le rendez –vous de Washington, une première, devrait constituer un déclic pour susciter une réelle prise de conscience salutaire. Réunir les chefs d’Etat africains dans la capitale américaine a demandé un véritable courage politique au président Obama car le moment est assez difficile sur les plans national et international. Car si l’économie se porte bien aux USA, la majorité républicaine à la Chambre des représentants mène une guérilla de tous les instants pour bloquer une éventuelle réforme de la politique d’immigration, pour multiplier les obstacles à l’effectivité de la loi sur l’assurance maladie (OBAMACARE), bref pour mettre des bâtons dans les roues de toutes les initiatives du président Obama, pour ainsi dire. Par esprit de revanche !
Organiser une réunion de chefs d’Etat africains, dans ce contexte, est assurément un choix courageux qui mérite d’être reconnu comme tel.
Désormais les sommets USA-Afrique seront inscrits dans l’agenda politique international; et tout peut laisser penser qu’ils survivront à la présidence Obama car le seul fait de la présence voire de l’omniprésence chinoise en Afrique est une raison suffisante pour les Etats-Unis de raffermir leurs positions sur le continent noir.
Toutefois contrairement à la période de la guerre froide où les USA et l’Union Soviétique se sont affrontés par pays africains interposés ; cette fois-ci la confrontation sera plus économique que politique. Etant entendu que les deux sont liées. Aux leaders africains de jouer pour défendre les intérêts fondamentaux de l’Afrique. La coopération et l’amitié n’excluent pas la défense légitime des intérêts réels des pays et des peuples. L’Amérique le comprend parfaitement. La nouvelle génération de leaders africains avec des hommes comme Macky Sall a une occasion remarquable de s’illustrer pour porter haut la voix du continent. Une voix lucide, ambitieuse, fière et déterminée pour la conquête de tous les possibles. En ce qui nous concerne spécifiquement, nous autres sénégalais, la relation particulière évoquée auparavant comporte une nouvelle dimension avec l’implantation, depuis environ 30 ans d’immigrés sénégalais, au nombre de plusieurs milliers à New-York notamment. » LITTLE SENEGAL » est une réalité sociologique qui s’impose avec une influence culturelle et religieuse grandissante.
La célébration de la journée du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacke à New-York est devenue un événement majeur du calendrier culturel de la mégapole américaine. Aujourd’hui, avec la deuxième génération d’immigrés nés sur le sol américain (donc citoyens américains) dont beaucoup ont fait des études plus ou moins poussées notre pays a une » tête de pont » amicale en Amérique. C’est un atout qu’il faut valoriser et utiliser à bon escient. Les politiques américains en ont aussi conscience; même si la force de frappe électorale de cette communauté est encore très limitée. Toutefois cette réalité humaine impacte positivement sur les relations étatiques et peuvent et doivent les renforcer. Macky Sall a l’avantage de bien connaitre les Etats-Unis et sait donc tout ce qu’il pourrait tirer d’une coopération renforcée avec Washington.
Le Sénégal est un pays ouvert à tous les souffles fécondants du monde. Son enracinement culturel authentique comme dirait le Président poète, lui permet de dialoguer et d’échanger avec tous de manière sincère et fraternelle. C’est aussi cette culture unique que Macky Sall a mission de faire fleurir sur les bords du Potomac. Car si le Sénégal n’a pas un rang à tenir; il a une place privilégiée à conserver et à renforcer en Amérique.
Nafissatou MANGANNE
EXPERTE EN DEVELOPPEMENT USA
Avec Setal.net,