Les diplomates étrangers fuient les combats entre miliciens de Zintan et islamistes de Misrata.
Jamais, depuis la mort de Muammar al-Kadhafi en octobre 2011, la Libye n’a été aussi proche de sombrer. Au moins 36 personnes ont été tuées dimanche à Benghazi, la grande ville de l’Est. La veille, 23 travailleurs égyptiens avaient péri à Tripoli, la capitale, lorsqu’une roquette a explosé sur leur maison, dégât collatéral des combats que se livrent deux milices pour le contrôle de l’aéroport. « La situation en Libye atteint un stade critique. Nous sommes très inquiets des violences qui ont lieu dans le pays et des conséquences sur le plan humanitaire», ont affirmé dimanche les envoyés spéciaux en Libye de la Ligue arabe, de l’Union européenne et des Etats-Unis.
Marines. Craignant attentats et enlèvements, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont appelé leurs ressortissants à quitter le pays. Samedi, les Etats-Unis avaient évacué leur personnel diplomatique. Par précaution, un avion militaire américain transportant des marines a survolé le convoi durant son trajet entre Tripoli et la frontière tunisienne.
Le chaos libyen, qui menace de virer à la guerre civile, tient aux luttes que se livrent les milices formées d’anciens rebelles ayant combattu le régime de Kadhafi. L’Etat central, sans autorité, n’est jamais parvenu à les désarmer et son plan pour les intégrer dans les forces de sécurité nationales, mal conçu, n’a pas plus abouti.
L’échec est flagrant à Tripoli, où les combats entre milices pour le contrôle de l’aéroport ont fait 97 morts et 400 blessés ces deux dernières semaines. Ils opposent une milice de Zintan (ouest), qui en a la charge depuis la fin de la révolution, à des groupes armés de Misrata, ville portuaire située à 210 kilomètres à l’est de Tripoli. Les rivalités entre les deux cités remontent à la révolution. Les ex-rebelles de Zintan estiment que Tripoli est tombé grâce à eux, ceux de Misrata affirment qu’ils ont payé le plus lourd tribut du soulèvement lors du siège de leur ville. Ils s’enorgueillissent également d’avoir tué Kadhafi à Syrte. A ces rivalités s’ajoutent une opposition politique, les miliciens de Zintan étant proches des libéraux, ceux de Misrata étant islamistes.
Agent. A Benghazi, les combats opposent l’armée à des groupes radicaux, dont Ansar al-Charia, classé par Washington comme organisation terroriste. Samedi, ils n’ont pas hésité à attaquer le quartier général des forces spéciales, près du centre-ville. Ils affrontent aussi régulièrement « l’Armée nationale libyenne», le groupe armé de Khalifa Haftar, un général à la retraite soutenu par plusieurs unités de l’armée régulière. Accusé par ses détracteurs de mener un coup d’Etat, voire d’être un agent américain, il se défend en affirmant qu’il ne fait que « répondre à la demande de la population». Laquelle commence à fuir Benghazi, où plusieurs explosions ont été entendues dimanche.