«La nation est non seulement la réalité vivante à laquelle nous sommes tous attachés, mais surtout, le lieu où bat le cœur de la démocratie, l’ensemble où se nouent les solidarités les plus profondes.» (Lionel Jospin)
Rebelote. Un peu plus d’un an après Abdoul Mbaye, son prédécesseur, le Premier ministre prononce, à son tour, ce lundi, son Discours de politique générale (Dpg). Attendue en milieu de matinée devant l’Assemblée nationale, escortée de sa trentaine de ministres, Aminata Touré, qui a été nommée pour donner plus de vitesse à l’action du gouvernement, devra indiquer la direction à suivre, mais surtout, dire dans quels délais elle compte mener le Sénégal de Macky Sall à bon port. En tant que politique, elle devrait également faire le plein de militants. Mais lorsqu’on est à la tête d’un gouvernement qui prône la sobriété, le folklore fait naturellement désordre. Il est prévu, selon le monitoring de ses «spin doctors», une conférence de presse à la fin de cet exercice républicain. Une sorte d’explication de texte pédagogique quoi. Ce qui sera une première dans l’histoire des rapports entre la Primature et les médias.
Accélérer les réformes
Une innovation majeure qui porte la patte de la nouvelle équipe de communication de la Primature drivée par le journaliste sénégalais basé à New York Dame Babou. Une institution que son titulaire a, soit-dit en passant, fait migrer du neuvième étage du Building administratif à l’ex-Maison militaire. Comme, naguère, un certain Idrissa Seck. On connait la suite de la tragi-comédie. Mais, revenons à nos moutons. Pardon à notre Discours de politique générale. Moins que sur la direction à suivre pour la conduite de la politique du président de la République, la chef du gouvernement est attendue sur le temps qu’elle mettra pour arriver à bon port. Elle devra corriger les nœuds en allant plus vite. Et pour ce faire, elle est condamnée à dépoussiérer la boussole du «Yoonu Yokkuté» tout en se dotant d’un chrono plus adapté à la navigation en eaux troubles. N’a-t-elle pas été nommée, le 1er septembre dernier, pour «accélérer le rythme des réformes» ? Face au Législatif, Aminata Touré devrait donc marcher sur les traces d’Abdoul Mbaye, suivant la direction tracée par le patron de l’Exécutif. C’est que moins de deux ans après son arrivée au pouvoir, il serait surprenant que Macky Sall change déjà de cap. Certes durant ce laps de temps, de nouvelles urgences ont surgi, mais rien qui pourrait justifier un virage à 180 degrés. Les priorités du Sénégal restent les mêmes depuis son élection, le 25 mars 2012. Les lignes n’ont pas bougé. Ou très peu.
Quatre points cardinaux
Traditionnellement, un Dpg comporte quatre grands chapitres. Le diagnostic de la situation du pays, les mesures envisagées ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour les appliquer, la démarche à suivre et les délais d’exécution de la politique. Ce n’est pas un exercice d’exhaustivité, mais plutôt de méthode et de précision. Ce n’est pas une déclaration d’intentions, mais plutôt un plan d’actions à court, moyen et long terme. Il ne s’agit pas de dire que tout est possible, mais plutôt de délimiter le champ des possibles, voire l’étendre. Il ne s’agit pas de s’attarder sur les problèmes ou d’accuser l’autre, mais plutôt d’annoncer les solutions pertinentes sans s’aménager des portes de sortie, tactique démagogique courante lorsque les carottes s’annoncent cuites et que triomphe l’impuissance. Pour le diagnostic de la situation du pays poste-Wade, Aminata Touré n’a pas besoin de s’épancher devant les députés. Son prédécesseur s’était bien acquitté de la tâche. Abdoul Mbaye avait égrené, tour à tour, le contexte macro-économique et social délétère, la crise énergétique, les failles du dispositif sanitaire, les défaillances de l’assainissement urbain, les inondations, l’accès à l’habitat, le malaise du système éducatif, l’insécurité alimentaire, la faiblesse des rendements et le manque de débouchés de l’agriculture, le renchérissement du coût de la vie, les dysfonctionnements dans le système judiciaire.
Discours de la Méthode
Un diagnostic sans complaisance, qui montre que les urgences percutaient les priorités, au moment où Macky Sall prenait les rênes du pays d’un certain Abdoulaye Wade dont il est en train, au nom du sacro-saint principe de la reddition des comptes, de passer le magistère au scanner. Qui vous parle de traque aux biens supposés mal acquis ? Mais, moins de deux ans plus tard après son accession au pouvoir, rien ou presque n’a changé. Malgré quelques efforts non-négligeables (bourses sociales, réduction du pris de certaines denrées, gratuité partielle des soins…), les mêmes maux, auxquels il faudra ajouter la vulnérabilité du système d’approvisionnement en eau de Dakar, demeurent. Le «Yoonu Yokkuté» représentant pour le régime actuel une sorte de manuel de procédures, c’est dans ce document à l’élaboration duquel elle a participé qu’Aminata Touré, comme Abdoul Mbaye avant elle, puisera les solutions aux problèmes des Sénégalais. Du coup, l’ancienne ministre de la Justice, comme pour le diagnostic, devrait proposer les mêmes remèdes que l’ex-Premier ministre naguère. Là où l’ex-Mme «mains propres» devrait marquer sa différence par rapport à son prédécesseur, c’est dans la méthode pour dérouler la politique du chef de l’Etat. Invitée à accélérer le rythme des réformes, Aminata Touré est obligée d’emprunter d’autres voies, d’adopter une autre démarche et de mobiliser des moyens conséquents, pour espérer faire mieux qu’Abdoul Mbaye. Sinon, les mêmes causes produiront, à coup sûr, les mêmes effets.
Papa Souleymane KANDJI / rewmi.com