Le départ du parti REWMI de la coalition Benno Bokk Yakaar n’est que le prélude à une dislocation future de cette alliance caractérisée par une malformation congénitale qui est incurable. On ne peut pas cheminer ensemble quand on nourrit chacun l’ambition concurrentielle de prendre en charge la destinée du pays. Nos politiciens ont compris depuis longtemps que la seule manière d’accéder au pouvoir et d’y avoir un ancrage en participant à son exercice. Cela explique que chaque parti politique partie prenante, tienne à cette coalition pour le présent et le futur de sa raison d’être. Il n’y a que l’Etat qui permet de rassembler les moyens nécessaires à la conquête du pouvoir. La structure des résultats des différentes élections a toujours permis de vérifier cette assertion.
La transhumance propre au bétail a été convoquée pour caractériser cette attitude de certains de nos hommes politiques pour qui l’exercice du pouvoir n’est rien d’autre qu’un moyen de promotion sociale pour accéder à des privilèges et à des avantages sociaux. Cette race de politiciens est toujours sur le départ, attendant le prétexte qui leur servira de signal pour migrer vers le pouvoir. Ils y vont non pas pour apporter quelque chose mais pour donner l’illusion dans l’opinion d’affaiblir leur camp initial. Leur combat est juste celui d’un positionnement personnel.
La persistance de telles dérives, malgré la volonté du chef de l’Etat d’imprimer son mandat sous le sceau de la transparence et la bonne gouvernance, on devrait y ajouter l’éthique politique en dit long sur les difficultés qui jalonnent l’accès au chemin auquel le peuple appelle de tout son vœu du fait de la duplicité de certains politiciens professionnels. Il faut avoir une voix pour exister ou plutôt pour se vendre. On comprend alors pourquoi on a plus de deux cent partis politiques et toutes ces défections au sein des partis politiques. Chacun espère décrocher la prime à la « laudation » ou à la traîtrise politique.
La grande majorité des partis politiques ne sont pas organisés autour d’un projet politique ou autour d’un projet de société mais sont une propriété privée pour servir l’ambition personnelle de leur leader avec des faire valoir. On aurait pu croire que dans la rupture tant prônée, il avait été mis fin à une telle pratique. En donnant l’impression de récompenser la défection au sein de REWMI, le Président de la République sans que l’on puisse dire que c’est là sa volonté donne un très mauvais signal même si cela peut être stratégiquement payant pour sa formation politique. Il y a des maroquins à prendre est une forte incitation à la fragilisation des alliés par le dedans. Mais c’est aussi une façon de se renforcer en s’affaiblissant. Le nombre n’est rien sans la structure et on risque de se retrouver dans un parti présidentiel miné de l’intérieur par des rivalités fratricides entre militants de la première et de la dernière heure. Les premiers continueront difficilement à contenir cette frustration de voir ceux qui n’auront été d’aucune bataille recevoir les médailles de la victoire parce que justement on leur aura donné la preuve par les faits que le pouvoir est un gâteau qu’on partage entre les plus « méritants ».
L’esprit d’ouverture et de partage ne sera pas toujours une explication suffisante et convaincante. En attendant, toutes les formations politiques de Benno Benn Yakaar se sont neutralisées comme dans une veillée arme qui précède le grand déchirement.
Le discours quasi diplomatique pour dire que tout va bien est un leurre de circonstances, la réalité voulant que chacun soit à l’affût attendant le moment propice pour anéantir l’autre. Les sorties périphériques et discordantes des militants sont là pour le témoigner.
Cette coalition ne renvoie aucun message clair en dehors du compromis finalement compromettant d’une alliance par et pour le sommet dans laquelle nous pensons que même les militants ont du mal à se retrouver. Nos hommes politiques devraient comprendre qu’une nouvelle opposition est née, celle des citoyens. Le Gouvernement actuel est en train de l’expérimenter avec tous ces fronts sociaux allumés de part et d’autres autour de questions vitales et sociales. On ne peut pas dire qu’il y a un parti politique, derrière, juste une prise de conscience par chacun des problèmes essentiels qui préoccupent les sénégalais et de la nécessité de voir des solutions y trouvées. L’expression la plus forte de cette opposition citoyenne est incarnée par les mouvements dit du 23 juin qui se sont arrogés un droit de véto sur les choix politiques du Président de la République qu’ils entendent contrôler et censurer au besoin.
La société civile est partie pour remporter les prochaines élections locales parce qu’on y pense de plus en plus qu’on ne doit pas mettre tout le destin des populations entre les mains des politiciens qui ont choisi de faire un deal sur le dos du peuple. C’est peut être une erreur de mettre collectivement tous les politiciens dans le même sac mais à leur décharge, ces derniers ont tout fait pour cela. Ils n’ont pas su allumer des contre feux pour arrêter et contenir les réclamations sociales, ils les ont soit ignorés, soit minimisé ou encore ont mis l’accent sur les efforts de l’Etat. C’est pourtant simple de comprendre que la première demande des populations c’est juste un peu de solidarité. » Nous avons vu aucune autorité, nous attendons les élections est le cri du cœur que l’on entend le plus souvent.
Cette future sanction virtuelle risque, si elle n’est pas prise en compte, de devenir réelle. Finalement les coalitions qui gouvernent ne réussissent qu’à engendrer leur propre opposition et à défaut d’une opposition politique, une opposition citoyenne.
En fait de notre point de vue, il n y a pas seulement que REWMI qui est parti de BBY. L’AFP en dépit de ce qu’en dira les uns et les autres a quitté bien en avant à sa manière et prépare déjà les prochaines joutes présidentielles. Elle a laissé son passé à la coalition et a envoyé son avenir en ambassadeur auprès du peuple. C’est très ingénieux. De ceux qui comptent vraiment parmi ceux qui sont restés, il y a le Parti Socialiste. Elle restera tant que l’Alliance Pour la République ne lui disputera pas la capitale et ses bastions locaux qui lui permettent de disposer d’un poste avancé stratégique pour 2017.
Il y a juste que personne ne veut tirer la première salve. Pour l’APR, il faut neutraliser les adversaires les plus redoutables le temps de se fortifier en les associant même de manière limitée à l’exercice du pouvoir, pour les autres, il faut profiter de la proximité du pouvoir pour se donner les moyens d’anéantir celui-ci. Finalement chacun a raison d’aimer cette coalition, sauf le peuple. C’est peut être ce que Idrissa SECK a compris en choisissant de larguer les amarres dès maintenant. Une opposition acceptée dans le contexte de marasme économique actuel va à coup sûr prendre une longueur d’avance. Mais cela suffira t’il.
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