Comme un air d’union sacrée, au moins pour un jour: Emmanuel Macron a plaidé jeudi l' »unité » des Français face à l’invasion russe de l’Ukraine, unanimement condamnée par les candidats à six semaines du premier tour de la présidentielle.
Lors d’une courte allocution télévisée, le président sortant et presque candidat a appelé à « ne rien céder autour de nos principes de liberté, de souveraineté et de démocratie ».
M. Macron, qui doit adresser un message au Parlement lors d’une séance solennelle vendredi, a également souligné que cet « acte de guerre », « un tournant dans l’Histoire de l’Europe », aura « des conséquences profondes, durables sur nos vies et la géopolitique de notre continent ».
A l’unisson, les candidats de droite comme de gauche ont condamné jeudi cette intervention armée, appelant au cessez-le-feu et à mêler action diplomatique et sévères sanctions ciblées contre Moscou, voire, pour l’écologiste Yannick Jadot, à livrer des armes à Kiev.
Y compris dans le camp de ceux qui ont le plus ménagé la Russie de Poutine, comme le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon ou encore les candidats d’extrême droite Eric Zemmour (Reconquête!) et Marine Le Pen (Rassemblement national).
– « Présidentiable » –
A 45 jours du premier tour, il est encore trop tôt pour juger de l’impact de l’événement sur les Français et la présidentielle, mais elle bouleverse complètement la campagne, plusieurs candidats annulant des déplacements.
Si les enjeux de politique étrangère pèsent généralement peu sur une élection présidentielle, le fait que la guerre soit aux portes de l’Union européenne et qu’elle impacte l’entrée en scène d’Emmanuel Macron pourrait changer la donne et favoriser le président sortant, estiment des analystes.
M. Macron se retrouve pris en tenaille, lui qui était monté en première ligne pour tenter de dénouer la crise russo-ukrainienne, ce qui lui a valu des critiques de l’opposition. Il est le grand favori des sondages d’intentions de vote mais il voit sa campagne de réélection aller de report en report.
Plus largement, ces évènements « empêche(nt) la campagne de progresser », souligne le sondeur de PollingVox Jérôme Sainte-Marie, pour qui « ça va encore plus affaiblir les enjeux réels de la campagne, notamment les enjeux sociaux qui sont inaudibles ».
« C’est du jamais-vu » d’avoir une guerre en temps de campagne, note de son côté Frédéric Dabi, directeur général opinion à l’Ifop.
« Mais ça reste très difficile à prédire. Ce qu’on peut peut-être anticiper, c’est une logique de distinction entre le président et les autres candidats » selon qui est le plus « présidentiable ».
– Sur la défensive –
Participant jeudi soir à un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles, le chef de l’Etat a dû annuler sa participation au traditionnel dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) – une des figures imposées de campagne – où il a été remplacé par le Premier ministre Jean Castex.
De leur côté, plusieurs candidats ont bouleversé leur agenda, à l’image de la LR Valérie Pécresse qui a annulé un déplacement à La Réunion prévu en fin de semaine prochaine, ou l’eurodéputé M. Jadot qui ne se rendra pas comme prévu vendredi à Clermont-Ferrand et renonce à sa visite prévue mardi au Salon de l’agriculture, passage obligé des prétendants à l’Elysée.
Par ailleurs, le candidat écologiste, Christiane Taubira et la socialiste Anne Hidalgo ont annulé des déplacements jeudi pour participer à des manifestations pro-Ukraine à Paris. Et France 2 a déprogrammé un débat dans la soirée avec Marine Le Pen.
Pour leur part, trois des principaux candidats, Mme Le Pen et MM. Zemmour et Mélenchon, apparaissent sur la défensive même s’ils ont promptement condamné l’invasion russe.
Ils ont été critiqués pour s’être, à des degrés divers, associés aux revendications russes contre l’expansion de l’Otan, sans cautionner les agissements du président russe.
Pour le politologue Pascal Perrineau, « Mélenchon, Zemmour et Le Pen anticipent qu’ils pourraient éventuellement payer le coût électoral de certaines imprudences ».
Le leader de LFI, arrivé jeudi matin à l’île de la Réunion, a appelé à refuser cette « escalade insupportable » et « au retrait de toutes les troupes étrangères d’Ukraine ».
Eric Zemmour, qui a lui condamné « sans réserve » Moscou, a fait valoir que « comme d’autres, y compris les Ukrainiens eux-mêmes, j’ai cru que Vladimir Poutine ne franchirait pas cette ligne rouge, car une solution pacifique pouvait être obtenue ». M. Zemmour avait dit à plusieurs reprises ne pas croire à une invasion russe.
Enfin, Marine Le Pen a appelé « à la cessation immédiate des opérations russes », une invasion qui rompt « l’équilibre de la paix en Europe » et « doit sans ambiguïté être condamnée ». Mme Le Pen avait été reçue par Vladimir Poutine lors de la campagne présidentielle de 2017.
Sur le plan comptable, M. Mélenchon a franchi à son tour la barre des 500 parrainages (540) et s’est joint aux sept premiers candidats qui disposent des signatures nécessaires pour se présenter au premier tour le 10 avril.
Eric Zemmour et Marine Le Pen, tous deux crédités de plus de 10% des intentions de vote dans les sondages, restent en deçà de la barre fatidique, mais ils s’en rapprochent avec respectivement 415 et 414 signatures.