Le chaos qui règne à l’aéroport de Kaboul, où des milliers d’Afghans tentent désespérément de monter dans un avion pour fuir le pays, a provoqué ses premiers morts, alors que la direction des talibans se réunissait pour définir les contours d’un gouvernement « inclusif ».
Sept civils afghans sont morts dans le chaos qui règne à l’aéroport de Kaboul, capitale de l’Afghanistan, a fait savoir le ministère britannique de la Défense ce dimanche. Des dizaines de milliers de personnes tentent désespérément de fuir l’Afghanistan alors que les insurgés talibans ont pris le pouvoir dans le pays. « Les conditions sur le terrain restent très difficiles, mais nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour gérer la situation de la façon la plus sure possible », a fait savoir un porte-parole de la défense britannique dans une déclaration citée par l’agence British Press Association.
Des troupes de plusieurs pays, dont la Belgique aux côtés des USA, de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou de la Turquie procèdent à des évacuations depuis l’aéroport de Kaboul. Des avions de transport C-130H Hercules de l’armée belge ont déjà exfiltré samedi en deux vols quelque 170 personnes d’Afghanistan vers le Pakistan, a annoncé le gouvernement fédéral, organisateur de cette opération d’évacuation « Red Kite ». Dans la nuit de samedi à dimanche, les 34 premiers Belges évacués d’Afghanistan sont arrivés à la caserne de Peutie après avoir été rapatriés par un avion néerlandais via Schiphol plus tôt dans la journée. Le délai pour évacuer Kaboul à temps diminue alors que les USA ont fixé comme date butoir le 31 août pour le retrait de leurs troupes.
Des personnes « écrasées »
Des images tournées par Sky News montrent les corps d’au moins trois personnes, vraisemblablement écrasées par la foule qui se presse contre les portes de l’aéroport, pris entre les soldats américains d’un côté et les combattants islamistes de l’autre.
Les personnes à l’avant de la foule ont été « écrasées » et les médecins se sont précipités d’un blessé à l’autre, a dit Stuart Ramsay, journaliste de cette chaîne d’information britannique qui se trouvait à l’aéroport. Les images montrent aussi de nombreux blessés.
Samedi, les routes menant à l’aéroport de Kaboul continuaient d’être congestionnées. Des milliers de familles se massaient encore devant l’aérodrome, espérant monter par miracle dans un avion. Devant elles, des militaires américains et une brigade des forces spéciales afghanes se tenaient aux aguets pour les dissuader d’envahir les lieux.
Derrière eux, des talibans, désormais accusés de traquer des Afghans ayant travaillé pour l’Otan pour les arrêter et de restreindre l’accès à l’aéroport qu’ils souhaitent quitter à tout prix, observaient la scène.
« Potentielles menaces »
Samedi, l’ambassade américaine à Kaboul a appelé ses ressortissants à éviter de s’approcher de l’aéroport pour cause de « potentielles menaces de sécurité ». « Nous conseillons aux citoyens américains d’éviter de se déplacer vers l’aéroport et d’éviter les portes de l’aéroport pour le moment, à moins que vous ne receviez des instructions individuelles d’un représentant du gouvernement américain pour ce faire », détaille le bulletin publié sur le site internet de l’ambassade.
Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, il va être « impossible » d’évacuer tous les collaborateurs afghans des pouvoirs occidentaux avant le 31 août.
« Gouvernement inclusif » ?
Pendant que les évacuations se poursuivent, le cofondateur et numéro deux des talibans, Abdul Ghani Baradar, est arrivé samedi à Kaboul après avoir passé deux jours à Kandahar, berceau du mouvement. Ce mollah, qui dirigeait jusque là le bureau politique des talibans au Qatar, va « rencontrer des responsables jihadistes et des responsables politiques pour l’établissement d’un gouvernement inclusif », a déclaré à l’AFP un haut responsable taliban.
D’autres dirigeants du mouvement ont été aperçus dans la capitale afghane ces derniers jours, dont Khalil Haqqani, l’un des terroristes les plus recherchés au monde par les Etats-Unis, qui ont promis une récompense de 5 millions de dollars contre des informations permettant sa capture.
Des réseaux sociaux pro-talibans ont montré Khalil Haqqani rencontrant Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des chefs de guerre les plus cruels du pays pour avoir notamment bombardé Kaboul durant la guerre civile (1992-96). Gulbuddin Hekmatyar, surnommé « le boucher de Kaboul », était un rival des talibans avant que ceux-ci ne prennent le pouvoir entre 1996 et 2001.
Ces mêmes réseaux ont annoncé quelques heures plus tard « l’allégeance » à leur mouvement d’Ahmad Massoud, le fils du défunt commandant Ahmad Shah Massoud, connu pour son opposition au groupe fondamentaliste.
Ahmad Massoud, qui plus tôt cette semaine avait demandé des armes aux Etats-Unis pour se défendre contre le nouveau pouvoir dans sa vallée du Panchir au nord-est de Kaboul, n’a pas officiellement réagi à ces allégations.
Règne « différent »
Depuis l’arrivée d’Abdul Ghani Baradar sur le sol afghan, les talibans ont assuré que leur règne serait « différent » du précédent (1996-2001), marqué par son extrême cruauté notamment à l’égard des femmes. Ils ont répété vouloir former un gouvernement « inclusif », sans toutefois l’expliciter. Les talibans ont dit vouloir établir de « bonnes relations diplomatiques » avec tous les pays, mais prévenu qu’ils ne feraient aucun compromis sur leurs principes religieux.
La Chine, la Russie, la Turquie et l’Iran ont émis des signaux d’ouverture, les pays occidentaux restant méfiants.