Les Européens ont sanctionné lundi pour la première fois la Chine pour la persécution des musulmans Ouïghours dans la région du Xinjiang, et Pékin a immédiatement riposté avec des sanctions contre une dizaine de personnalités européennes. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont approuvé l’inscription de quatre dirigeants et d’une entité de la région chinoise du Xinjiang sur la liste des sanctions pour les violation des droits de l’homme créée en décembre 2020.
« Ce nouveau dispositif avait été utilisé en février contre la Russie pour l’affaire Navalny », a expliqué le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian à son arrivée pour une réunion avec ses homologues à Bruxelles. Les sanctions européennes consistent en une interdiction de se rendre dans l’UE et un gel des avoirs détenus dans l’Union européenne. Pékin a répliqué en sanctionnant dix personnalités européennes, dont plusieurs élus du Parlement européen, accusés « de porter gravement atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la Chine et de propager des mensonges et de la désinformation ».
Les Européens et leurs familles seront interdits de séjour en Chine, à Hong Kong et Macao.
Ca fait froid dans le dos
La mesure concerne également le Comité Politique et de sécurité, une instance réunissant les ambassadeurs des Etats membres à Bruxelles qui a préparé les sanctions. Le gouvernement néerlandais a convoqué lundi l’ambassadeur de Chine aux Pays-Bas pour protester contre la mesure. La ministre belge des Affaires étrangères Sophie Wilmès a dénoncé la décision chinoise et annoncé des consultations avec ses homologues européens. « C’est terrible. Ca fait froid dans le dos de constater qu’un régime dictatorial peut s’en prendre ainsi à un parlement et à sa famille« , a déclaré à l’AFP l’une des personnalités sanctionnées, le député belge Samuel Cogolati. « Ces intimidations, ces menaces, ne nous arrêteront pas, bien au contraire! Elles renforcent notre détermination à lutter pour la démocratie à Hong Kong, au Tibet ou au Xinjiang où on voit que les camps de concentration se développent pour enfermer les Ouïghours », a-t-il affirmé.
« Il est temps de briser un silence européen qui a trop duré, un silence qui est devenu complice avec le temps« , a-t-il conclu.
« Ma légion d’honneur »
L’eurodéputé français Raphaël Glucksmann (Renew-libéral), qui s’est engagé dans la défense des Ouïghours, s’est pour sa part déclaré flatté par la décision des autorités chinoise. « J’apprends que je suis visé par les sanctions chinoises, banni du territoire chinois (ainsi que toute ma famille!) et interdit de tout contact avec les institutions officielles et entreprises chinoises pour ma défense du peuple Ouïghour: c’est ma légion d’honneur« , a-t-il affirmé dans un message sur son compte twitter.
« L’escalade de la réponse de la Chine aux sanctions en matière de droits de l’homme imposées par l’UE est ridicule. La Chine parvient à monter les quatre principaux groupes politiques du Parlement européen contre elle en une seule action« , a commenté un autre sanctionné, l’eurodéputé allemand Vert Reinhard Butikofer. « Pékin ne peut pas sérieusement croire qu’elle se fait une faveur. C’est comme le dit le proverbe chinois : la pierre qu’ils ont soulevée leur retombera sur les pieds », a-t-il averti.
« Cela rend naturellement le dialogue avec les représentants de la République populaire plus difficile et plus lourd, ce que je trouve regrettable », a affirmé son compatriote, Michael Gahler, élu européen de la CDU, le parti de la chancelière Angela Merkel.
« Je soupçonne que ma présidence des groupes d’amitié de Taïwan au Parlement européen a joué un certain rôle dans la décision prise à Pékin« , a-t-il estimé.
Pékin avait mis en garde les Européens. « Je tiens à souligner que les sanctions sont une confrontation. Des sanctions fondées sur des mensonges pourraient être interprétées comme une atteinte délibérée à la sécurité et au développement de la Chine », avait averti la semaine dernière l’ambassadeur de la Chine après de l’UE, Zhang Ming.
« Nous voulons, nous avons besoin, nous voulons le dialogue et non la confrontation« , avait-il assuré.