Forces séparatistes arméniennes du Nagorny Karabakh et armée azerbaïdjanaises combattaient toujours mardi sur plusieurs secteurs du front, échouant à respecter une trêve humanitaire pour le quatrième jour consécutif.
Les belligérants, comme à leur habitude depuis le début du conflit le 27 septembre, se rejetaient la responsabilité des hostilités qui ont fait quelque 600 morts, dont 67 civils, selon des bilans très partiels, l’Azerbaïdjan ne communiquant pas de décès parmi ses troupes. Ainsi, les séparatistes du Nagorny Karabakh ont accusé l’armée adverse d’avoir lancé une triple offensive au sud, au nord et au nord-est de la république autoproclamée. Bakou de son côté affirmait « respecter le cessez-le feu » mais que l’adversaire arménien tirait sur les districts azerbaïdjanais de Goranboy, Terter et Agdam. La trêve négociée sous l’égide de la Russie aurait dû entrer en vigueur samedi midi pour permettre au moins un échange de prisonniers et de corps. Elle n’a jamais été respectée. Le Nagorny Karabakh, territoire majoritairement peuplé d’Arméniens, a fait sécession de l’Azerbaïdjan, entraînant une guerre ayant fait 30.000 morts dans les années 1990. Bakou accuse depuis l’Arménie d’occuper son territoire, et les heurts armés y sont réguliers. Mais les hostilités en cours sont les plus graves depuis 1994.
CINQ CHOSES À SAVOIR SUR LE NAGORNY KARABAKH
D’une main à l’autre
Considéré comme une région centrale de son histoire par l’Arménie, le Nagorny Karabakh a changé de mains de multiples fois au cours des siècles.
Intégrée au royaume arménien dans l’Antiquité, cette région passe sous influence arabe au Moyen Âge avant qu’une révolte ne la fasse revenir dans le giron de l’Arménie.
Après une période d’influence perse, le Khanat de Karabakh, Etat alors turcique, est finalement incorporé à l’Empire russe en 1813.
Puis, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se disputent le territoire lors de la guerre civile ayant suivi la révolution bolchévique de 1917.
Bien que peuplé en majorité par des Arméniens, il est rattaché à la république soviétique d’Azerbaïdjan en 1921 par Staline avec, à partir de 1923, un statut d’autonomie. Ce statut reste inchangé jusqu’aux dernières années de l’URSS.
Référendum et guerre
En 1988, en pleine perestroïka, des violences inter-ethniques éclatent alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont encore dans l’Union soviétique.
A la dislocation de l’URSS en 1991, le Nagorny Karabakh organise un référendum boycotté par la communauté azerbaïdjanaise puis proclame son indépendance de Bakou avec le soutien d’Erevan. Cette indépendance n’a jamais été reconnue par aucun Etat membre de l’ONU.
Avec le départ de l’armée soviétique de la région, qui laisse derrière elle ses armes, les forces en présence se lancent dans une rapide escalade des violences, débouchant sur une guerre qui a fait quelque 30.000 morts.
Le 17 mai 1994, un cessez-le-feu négocié par Moscou entre en vigueur.
République auto-proclamée
Les Arméniens contrôlent depuis environ un cinquième du territoire de l’Azerbaïdjan: le Nagorny Karabakh –qui signifie Karabakh montagneux en russe– mais aussi des territoires l’entourant peuplés d’Azerbaïdjanais et d’autres minorités.
Ces sept districts occupés constituent aujourd’hui encore un glacis en plaine, autour des hauteurs de l’Artsakh, le nom donné par les Arméniens au Karabakh.
Bien que disposant de ses propres institutions et gouvernement, le Nagorny Karabakh est soutenu politiquement, économiquement comme militairement par l’Arménie.
Erevan n’a néanmoins pas reconnu son indépendance.
Peuples arméniens et azerbaïdjanais
Le Nagorny Karabakh, enclave terrestre, est aujourd’hui composé à plus de 99% d’Arméniens de confession chrétienne, selon les données officielles, et peuplé d’environ 146.000 habitants répartis sur 4.400 m2 essentiellement montagneux. Le tiers environ vit à Stepanakert, la capitale.
La guerre des années 1990 a conduit à d’importants déplacements de populations, près de 700.000 Azerbaïdjanais fuyant l’Arménie et le Nagorny Karabakh et 230.000 Arméniens fuyant l’Azerbaïdjan.
Une avancée azerbaïdjanaise pourrait conduire à de nouveaux déplacements importants, la population arménienne, qui a grandi depuis 30 ans à l’ombre de ce conflit, n’étant guère disposée à vivre sous domination azerbaïdjanaise.
L’impasse diplomatique
Pendant 30 ans, les efforts de médiation internationale sur le statut du Nagorny Karabakh ont échoué. Ils sont pilotés par les Etats-Unis, la Russie et la France, qui co-dirigent le Groupe de Minsk à l’OSCE.
Périodiquement, des affrontements armés, parfois graves comme en avril 2016, éclatent.
L’Azerbaïdjan, fort de ses réserves de pétrole, s’est armé ces dernières années sans compter, s’équipant comme l’Arménie auprès des Russes, mais se dotant aussi de matériel plus moderne, comme des drones, auprès de la Turquie et d’Israël.
Bakou affirme désormais que le Groupe de Minsk a échoué et que seul un retrait arménien du Karabakh peut mettre fin à l’effusion de sang.
L’Arménie se dit prête à se battre jusqu’au bout, quitte à reconnaître l’indépendance du Nagorny Karabakh, ce qui pourrait constituer un nouveau motif d’escalade.